dimanche 16 mai 2010

Identité nationale : un affreux débat

Nicolas Sarkozy avait promis pendant sa campagne présidentielle la création d’un ministère de l’identité nationale et de l’immigration. Cette promesse semblait s’inscrire dans la stratégie du candidat de l’UMP de « siphonner » l’électorat du Front National.
La création de ce ministère avait suscité la réprobation et l’indignation dans le monde universitaire et notamment parmi huit historiens reconnus, démissionnaires des instances officielles de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI) pour protester contre l’instauration « inacceptable » d’un ministère de « l’immigration et de l’identité nationale ».
A l'approche des élections régionales, obéissant toujours à une stratégie de « braconage » sur les terres du Front National, Éric Besson, ministre en charge de ce ministère, décida de lancer un grand débat sur l'identité nationale, ouvrant ainsi les vannes à un déchaînement de propos flirtant avec la xénophobie et le racisme ordinaires.
C'est ainsi qu'en septembre 2009, le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux s’était lâché en blaguant au côté d’un jeune militant de père algérien et de mère portugaise : « Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ». En décembre, Nadine Morano, secrétaire d’État chargée de la Famille, dans un débat public sur l'identité nationale crut bon de s'adresser dans une phrase, où le cliché côtoie l'ethnicisme, au « jeune musulman », lui demandait de ne pas « mettre sa casquette à l’envers »...
Aux déclarations ministérielles ont succédé des dérapages verbaux multiples où perçait une conception de l'identtité nationale au fond contraire à la tradition républicaine. L'ambiance devint très vite irrespirable au point que des personnalités de la majorité UMP comme François Baroin, député-maire de Troyes, ancien ministre de l'Intérieur, ou encore Dominique de Villepin, ancien premier ministre, ont demandé solannellement l'arrêt d'un débat, où la stigmatisation du culte musulman, seconde religion en France, une forme de xénophobie latente et une conception étriquée de la France, selon laquelle certains Français nés en France ne font pas tout à fait partie de la nation, semblaient converger.
A l'évidence, le débat échappait aux apprentis sorciers gouvernementaux.
Nous pensions que le « grand débat » sur l'identité nationale allait s'achever après les déclarations du premier ministre, en clôture du séminaire gouvernemental, lundi 8 février. Cela ressemblait en effet à un enterrement. Nous pouvions être soulagées et espérions ne plus entendre ce flot de dérapages verbaux auquel nous avions assisté, qui n'était au fond que l'explicitation d'une logique xénophobe au sommet de l'État à l'approche des élections régionales.
Il n'en fut malheureusement rien. C'était trop tard.
Dans la foulée, Gérard Longuet, président du groupe UMP du Sénat, a jugé préférable de nommer à la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Egalité.) quelqu’un du « corps français traditionnel » plutôt que le socialiste Malek Boutih.
Le débat sur l'identité nationale a été une suite de polémiques et de dérapages, il n'a pas grandi notre pays, et a blessé celles et ceux qui ont de la France l'image du pays des libertés et des droits de l'homme, et d'une terre d'accueil et de brassage.
Le résultat est une légitmation du discours d'exclusion, qui explique, en partie, la renaissance électorale du Front national lors du premier des élections régionales. Le pays que nous aimons est toujours celui de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

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