vendredi 24 décembre 2010

UN HOMME, UN LIVRE, UN PAYS

Le livre de Pierre Gilhodès, Cuarenta años en Colombia, publié aux éditions de l’Université Externado, est une formidable introduction à la Colombie, mieux même qu’un livre d’histoire ou un traité. Quiconque souhaite en effet faire connaissance avec le pays se doit de lire cet ouvrage. Quiconque a choisi le pays comme une seconde patrie y trouvera les échos de sa propre expérience, verra resurgir les premières impressions, et croisera au cours de la lecture des personnages désormais devenus familiers. C’est une déclaration d’amour lucide et chaleureuse à ce pays, qui est aussi le nôtre, et qui peut parfois avoir si mauvaise presse, et un remerciement à ses habitants, sous forme non pas de poignée de main, mais de chronique colombienne.
El « profesor » Pierre Gilhodès, comme il est ainsi appelé depuis quatre décennies, est un de ces compatriotes qui fait totalement partie de la réalité nationale. Un Français devenu non seulement « colombianiste », mais aussi colombien.
Il est né en France, où il vit à nouveau, installé au Pays basque, après avoir passé l’essentiel de sa vie en Colombie, où il a épousé une Colombienne, où ses enfants ont grandi. C’est dans le cadre d’un programme d’investigation, La question agraire en Amérique latine, que le professeur d’espagnol trentenaire arrive en Colombie, après une année d’intenses lectures sur sa destination, à une époque où la méconnaissance de ce pays était la règle, d’où perçait seulement une image brumeuse des cendres à peines éteintes du « Bogotazo ».
Ce qui frappe d’emblée à la lecture de cet ouvrage, c’est l’absence d’exotisme, c’est cette impression puissante de quatre décennies vécues avec la même intensité que les Colombiens construisent leur vie au quotidien, à force d’efforts, et de talent, car il en faut parfois pour ne point se décourager. Ce qui marque, et ce qui plaît aussi, c’est l’absence d’extériorité dans l’écriture alerte et précise, qui n’omet ni les dates ni les noms. Ce sont quarante ans de vie non pas d’un étranger mais d’un homme qui vit avec le pays, qui veut tout comprendre, qui vibre et qui analyse les événements qui font la trame de l’histoire nationale.
Les six chapitres sont le récit des années d’enseignement, de chercheur, de conseiller, d’analyste du conflit, d’interlocuteur des hommes politiques, d’entrepreneurs, d’universitaires et de certains Présidents même. Ils dévoilent le regard perçant d’un homme soucieux de l’histoire de son pays d’accueil. La Colombie n’est pas le prétexte ou la toile de fond d’une vie, mais la matière même de cette vie engagée au service de la connaissance.
C’est un livre nécessaire, au style simple, qui dresse par petites touches le portrait du pays, et fait vivre notamment le Tolima, entre désespoir et espérance. Il y décrit les montagnes du sud, là où s’enracinent les causes de cette tragédie sociale, née de la pauvreté et de l’exclusion, devenue une guerre sans fin. Pierre Gilhodès est un illustre compatriote.
« Aurais-je pu faire davantage ? », s’interroge-t-il à la fin de l’ouvrage. « Sans doute », dit-il.

Il a beaucoup fait pour la Colombie. Cet ouvrage est la preuve de son attachement. Il a écrit un merveilleux livre, qui donnera envie, à n’en pas douter, à de jeunes gens téméraires et curieux de suivre les pas de l’ancien professeur d’espagnol.
Sergio Coronado

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